UNE OPINION SUR CE MONDE QUI CHANGE
Champigny sur Marne a ses caractéristiques propres, son histoire mais en même temps Champigny est en France, un pays largement engagé dans la construction de l’Europe, un pays où beaucoup de choses sont entrain de changer avec la phase informatique et tout cela fait que ce qui se déroule à Champigny, y compris les élections locales ne peut pas être vu simplement sous cet angle local mais comme des éléments de ce puzzle très mouvant qu’est notre monde en 2020
vous trouverez ci dessous la traduction à partir de l’italien de deux pages d’un livre paru en 2017 chez Longanesi (Milan) intitulé Sinistra e Popolo (La Gauche et le Peuple) qui traite de l’évolution politique de nos sociétés. L’auteur Luca Ricolfi actuellement professeur de sociologie à l’Université de Milan, ancien membre de la direction du PCI (Parti Communiste Italien) s’était déjà fait connaitre par un livre sur la dégringolade des idées de son parti en Italie « intitulé « Per che siamo antipatici » (20O5) (Pour quelle raison sommes nous antipathiques,)
Traduction des pages 196-197

Deux faits ont profondément changé le scénario politique
Le premier réside dans la conversion de la gauche, en Europe comme en Amérique à la philosophie du marché. Ceci a conduit tout naturellement à ce qu’il existe deux gauches, l’une réformiste, méritocrate, modernisatrice, confiante dans le côté positif du changement, l’autre hostile au marché et par essence conservatrice en ce qu’elle s’emploie à préserver les conquêtes politiques et syndicales des 30 glorieuses (1945-1975). De là vient une certaine obsolescence du schéma de Hayek qui voyait exister deux droites mais une seule gauche. Aujourd’hui une description un peu précise du combat politique dans une société démocratique ne peut pas ne pas voir que, comme il existe deux droites l’une conservatrice, l’autre libérale de même il existe deux gauches l’une réformiste, l’autre à sa façon, conservatrice.
Le tout ‘accompagne d’une bizarre torsion sémantique du concept «radicale» ce terme demeurant appliqué à droite à la composante innovatrice de la droite elle-même, celle qui a fait la promotion, dans les années 80-90 d’une «révolution libérale» tandis qu’a gauche il est utilisé comme qualificatif pour désigner la composante conservatrice, celle dont le radicalisme se manifeste par son opposition à toute modernisation des traditions socialistes et social démocrates.
Le second évènement qui a changé la scène politique réside dans l’irruption du mouvement populiste en Europe comme en Amérique. Ce processus a commencé au cours des dernières années du XXème siècle mais c’est complètement déployé à partir des années de la crise et a restructuré en profondeur le schéma même de deux gauches et de deux droites. Aujourd’hui on ne peut comprendre les conflits politiques en cours dans la société occidentale si on ne prend pas en compte une opposition dichotomique, en grande partie nouvelle celle entre «ouverture» et «fermeture».
Cette « fermeture » en réalité et de façon presqu’universelle est le sceau des mouvements populistes. Une marque qui est évidente en ce qui concerne le populisme de droite qu’on invoque la fermeture des frontières, l’attitude contre l’afflux des migrants ; toutefois elle existe aussi, d’une façon moins ostentatoire, dans certaines revendications des mouvements populistes de gauche : protection des industries nationales, isolationnisme et non intervention en politique européenne, opposition à toute ingérence d’une quelconque autorité supranationale dans les affaires de l Etat ;
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Le conservatisme n’est pas là où l’on croît le trouver. Il est néanmoins dangereux en ce qu’il obscurcit les véritables enjeux des temps qui viennent: comment répondre de façon humaine à la pression démographique? Comment rendre compatible l’amélioration des conditions de vie à l’échelle du monde avec l’épuisement des ressources naturelles?
Quelles limites poser aux inégalités de patrimoine et de revenus, sans préjudice pour les populations actuellement exclues du monde du travail?
Pour répondre à ces questions, certains, cédant à l’ivresse de la radicalité, pensent pouvoir recourir aux recettes du passé, oubliant qu’elles ont dramatiquement échoué.
Face à ces périls, il est plus que temps que les démocrates inventent les solutions du 21ème siècle.
Bien d’accord il faut inventer les solutions démocratiques de gauche de notre temps mais il ne faut pas oublier qu’une certaine gauche à partir des années 80 a fait siennes certains dogmes économiques de droite:au nom de la libre concurrence la compétitivité à outrance et la dérégulation des marchés,le primat de la politique de l’offre sur celle de la demande,avec pour conséquence la baisse des salaires ou la stagnation du pouvoir d’achat et le développement de la précarité,l’aide aux entreprises sans exigences contraignantes de contreparties sociales,le grignotage des droits acquis.Il ne s’agit donc pas d’une simple opposition entre fermeture et ouverture,passéisme et modernisme.Personnellement c’est la crise de 2008 qui m’a ouvert les yeux.
Tu poses les vraies questions. Celles qui sont trop rarement posées et qui font que la gauche est incapable de peser réellement sur la politique dans notre pays et d’une façon générale dans les pays développés.
On ne peut pas appliquer les vieilles solutions ; le monde a totalement changé. Nous vivons une révolution industrielle et sociale qui est sans doute une transformation à l’échelle mondiale plus importante que la grande révolution industrielle du 19ème siècle.
Depuis 1992 LA VALEUR DANS LE MONDE DE BIENS IMMATERIELS PRODUITS DEPASSE LA VALEUR DES BIENS MATERIELS.
Je veux te raconter ce qui m’a amené pour la première fois à me poser la question de l’adaptation des orientations défendues par la gauche aux changements en cours dans les rapports de production. C’était après 1981 et l’élection de François Mitterrand, le Premier Ministre M. Maurois s’inquiétait de la baisse de la production charbonnière en France et pour trouver des remèdes (on n’avait pas à cette époque pris en compte de l’impact désastreux des combustibles fossiles sur l’environnement) M. Maurois créa des commissions régionales des ressources charbonnières (CRARC) ;
La fédération du sous-sol de la CGT me demanda de la représenter dans les réunions techniques où la présence d’un géologue minier pouvait avoir son poids ; c’est ainsi que j’eus l’occasion , de participer à des réunions de travail sur les bassins du NORD-PAS de CALAIS , de Decazevile, d’Alès, de Carmaux ;
Dans le NORD-PAS de CALAIS l’étude des documents mis à la disposition de la commission par les Houillères me convainquit que poursuivre l’exploitation d’un gisement, profond, avec des couches minces était techniquement difficile, économiquement désastreux.
C’est alors que M. Maurois, très intéressé en tant qu’élu de la région, fit une proposition qui me parut intéressante : celle de la création à Mazingarbe d’un centre de recherche et de formation sur le charbon et l’exploitation minière, en maintenant ouvertes 2 FOSSES (puits) sur les 6 encore en activité (au fin de développement e de mise au point de nouvelles techniques) et prévoyant l’embauche sur ce centre de Mazingarbe de 600 à 800 ingénieurs et techniciens ;
Le PCF me demanda de participer à une réunion avec ses cadres et ses élus du bassin houiller sur ce sujet. A cette occasion j’exposai les raisons pour lesquelles les conditions d’une continuation de l’exploitation du bassin houiller me paraissaient mauvaises d’un point de vue économique et technique et je me fis l’avocat du projet MAUROIS pour Mazingarbe ; je ne convainquis personne et la fin un sénateur communiste, personnalité locale m’apostropha en ces termes « tu veux nous fabriquer des prolétaires en blouse blanche, cela ne nous intéresse pas, nous voulons des mineurs ».
Tout était dit ; ce qui était important c’était le maintien des acquis, la mission impossible « sauver le mineur de charbon » et pour cela refuser tout autre solution ;
Je me suis étendu dans ma réponse à ce problème des mines de charbon du Nord parce que cela me parait illustrer parfaitement l’incapacité qu’a souvent la gauche à répondre à des situations nouvelles autrement que par des combats défensifs ;
Cela dit je n’en tiens PAS pour autant la droite quitte des dégâts qu’elle a fait et continue de faire (délocalisations, fermetures etc) mais je souhaite une réflexion une action à gauche qui prenne en compte le monde d’aujourd’hui.
Je pense aussi que c’est une discussion importante que nous devons avoir maintenant IL FAUT DES REPONSES PROGRESSISTES DE GAUCHE.
Merci de ta longue réponse à mes remarques.Une question cependant je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que recouvre l’expression « biens immatériels ».S’agit il des actifs financiers?Une remarque ensuite l’attitude du PCF qui refusait les mineurs en blouse blanche n’était probablement pas sans souci électoraliste…Ceci dit je suis d’accord avec toi la gauche est à reconstruire dans une perspective vraiment progressiste et le chantier est immense:place du travail dans un monde informatisé et robotisé qui demande des formations pointues et en constante évolution,accès pour tous à des moyens décents de subsistance et de formation et tout cela dans une perspective écologique de respect de l’environnement et de refus du gaspillage.Se pose alors inévitablement la question du contrôle des puissances financières et économiques ,la question de leur régulation à un niveau international pour tout réorienter au service de l’humain et non de quelques grands groupes….sans pour autant supprimer le puissant moteur qu’est l’intérêt particulier,le réguler sans le tarir.Il y a certes dans tout cela une dimension utopique mais je crois qu’il ne faut pas avoir peur de l’assumer.Après tout bien des idées du 19éme siècle considérées en leur temps comme utopiques ont fini par se réaliser même si ce n’est qu’incomplètement et imparfaitement.Et puis on peut rêver un peu peut être que la pandémie actuelle comme toutes les grandes crises va susciter questionnements et réorientations….
Par biens immatériels on entend beaucoup de productions comme logiciels, droits d’auteur (télévision et cinéma)etc etc
Je voudrai rebondir sur une de tes phrases: quand tu écris: » l’attitude du PCF qui refusait les mineurs en blouse blanche n’était sans doute pas sans arrière pensée électoraliste »; je suis d’accord avec ton appréciation mais c’est oublier que la société a changé, que les « gueules noires » ne sont plus l’avant garde ouvrière de Germinal mais qu’un mouvement qui se veut prigressiste aujourd’hui doit prendre en compte les changements c’est à dire sans renier les gueules noires être aussi celui des aspirations des blouses blanches; on est loin du compte…